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"Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante" G. Orwell.

18 Mar

Elus locaux : toujours plus de professionnels de la politique

Publié par M.L  - Catégories :  #Politique

Elus locaux : toujours plus de professionnels de la politique

 

Le 17 mai 2013, en vertu de l’article 10 de la Constitution, le Président de la République, François Hollande promulguait deux nouvelles lois[1]. Si la première, relative à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe fît l’objet d’une couverture excessive ; la seconde, relative à l’élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires suscita bien moins de commentaires. Pourtant, les enjeux soulevés par cette disposition législative sont capitaux et risquent de transformer en profondeur l’univers de la politique locale. Car, au-delà des considérations juridiques et techniques, il semble que nous assistions aux prémices d’une révolution quant à l’exercice du métier « Politique » dans les petites communes. En effet, l’abaissement du seuil démographique pour le scrutin de liste aux communes de 1000 habitants perturbe les anciennes règles du jeu. Jusqu’à lors, seules les communes de plus de 3500 habitants relevaient du scrutin de liste. Les modifications introduites par la loi du 17 mai 2013 intègrent près de 6900 communes à ce régime électoral. Concrètement, pour les élections municipales, dans les communes de plus de 1000 habitants, tous les candidats doivent constituer des listes complètes pour voir leur candidature validée.

Le monde rural face à la politisation des conseils municipaux

Prenons l’exemple d’une modeste commune de 3000 habitants. Jusqu’ici, les candidats(es) étaient élus via le scrutin majoritaire plurinominal à deux tours. Les candidatures se faisaient auparavant de manière individuelle : ce n’est plus aujourd’hui le cas que pour les communes de moins de 1000 habitants. Désormais, pour constituer sa liste, chaque candidat devra impérativement inscrire 22 autres personnes, correspondant aux 23 sièges à pourvoir au conseil municipal. Cette obligation de présenter des listes complètes entrainera naturellement le regroupement des candidats en fonction d’impératifs différents, notamment la sensibilité politique de tel ou tel candidat. En outre, le regroupement par liste risque de transformer les motivations du vote. Ainsi, aux traditionnelles considérations pratiques et personnelles (compétence, personnalité, rapport du candidat à la commune) pourrait se substituer des fondements principalement idéologiques (étiquette politique, programme du candidat).

À terme, c’est la question de la professionnalisation des élus locaux et de leur rapport aux administrés qui risque de se poser. Sur ce point, certains travaux mentionnent déjà un accroissement de la distance sociale entre les élus locaux de leurs administrés[2]. Ainsi, le sociologue Michel Koebel constate par exemple chez nos maires une surreprésentation des cadres et des professions supérieures. Pour le moment, cette réalité statistique ne semble pas écorner l’image de nos élus locaux. Toutes les enquêtes d’opinions confirment l’attachement des citoyens à leur maire (7 français sur 10 se déclarent satisfaits de leur maire[3]). D’autant que, comme le rappelle le politologue Philippe Braud, la professionnalisation du personnel politique local s’apparente davantage à un gage de compétence politique car « Quoi qu’on en dise, la crainte de perdre des élections est le commencement de la sagesse démocratique des représentants ».

Pourtant, dans un courrier adressé à Manuel Valls, Jacques Pélissard, président de l’association des maires de France (AMF) s’est récemment plaint de l’attribution par l’Etat d’une « nuance politique » (EXG, DVG, DVD, EXD*) à tous les candidats, même sans étiquette, dans les communes de plus de 1000 habitants. Ce regroupement opéré par Matignon permet notamment de centraliser les résultats et de comparer l’évolution du rapport de force politique pour chaque élection. Toutefois, comme le rappelle Jacques Pélissard « dans bon nombre de petites communes, les candidats s’engagent en faveur de listes d’intérêt local, sans considérations politiques ou partisanes […] et ne souhaitent pas être classés dans une catégorie politique ». Cette anecdote illustre bien le changement de paradigme qui est à l’œuvre dans les communes de petite taille, à savoir l’inéluctable processus de professionnalisation et de politisation des équipes municipales.

*EXG = extrême-gauche ; DVG = divers gauche ; DVD = Divers droite ; EXD = extrême-droite

Le paradoxe de l’élu local : un professionnel… incompétent ?

Si la professionnalisation des élus locaux semble inévitable, la question de leur intégration au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) reste entière. Alors que les transferts de compétence accordés à l’intercommunalité via les lois de décentralisation (eau, transport, urbanisme) en font le véritable enjeu de ces municipales, le contrôle des « agglos » ne suscitent pas grand intérêt. 9 Français sur 10 regrettent ne pas être suffisamment informés du fonctionnement et les enjeux propres à l’intercommunalité. À de trop rares exceptions près, les médias participent à entretenir ces lacunes en se focalisant sur « les batailles pour la mairie ». Dans le même esprit, l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct (permis par la loi du 17 mai 2013) fait l’objet d’un traitement évasif, en dépit du fait que ces nouveaux élus concentrent déjà la plupart des pouvoirs locaux.

 

Mathieu Lyoen

 

Crédit photo: Flickr : tylergreendc

 


[1] – Loi n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

- Loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

[2] Michel Koebel, Les élus municipaux représentent-ils le peuple ? Portraits sociologiques,www.metropolitiques.eu

[3] Sondage Opinion Way « Élections municipales : À 100 jours du scrutin, où en sont les Français ? », Décembre 2013

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"Chaque génération se croit plus intelligente que la précédente et plus sage que la suivante" G. Orwell.